Savez-vous déjouer les biais de recrutement ? Pas si sûr. Même si rester objectif semble évident, une étude de WeSuggest montre que 63 % des recruteurs, 64 % des managers et 77 % des DRH se fient surtout à leur intuition lors des processus d’embauche.
Le problème : plus de 200 biais cognitifs faussent la perception des événements et influencent le jugement humain. Erreur de casting, risque de rater un talent, manque de diversité, etc. : les conséquences pèsent lourd pour une entreprise.
Comment identifier, décoder et esquiver les distorsions cognitives qui altèrent l’évaluation d’un candidat ? Découvrez tout ce qu’il faut savoir sur les biais de recrutement et les bonnes pratiques à suivre pour éviter les déviations subjectives.

Qu’est-ce qu’un biais de recrutement ?
Un biais de recrutement est un mécanisme de pensée qui crée une déviation du jugement lors de l’évaluation des candidats. Causé par des distorsions cognitives, ce phénomène inconscient :
- déforme la perception des événements et des individus ;
- influence le comportement verbal et non verbal du recruteur ;
- impacte les choix et altère la prise de décision.
Dans le domaine de la psychologie cognitive, les chercheurs mènent de nombreuses études autour des biais. Et s’il faut retenir une chose, c’est qu’ils ne relèvent pas de la mauvaise foi. Ce sont des automatismes humains qui empêchent de rester objectif. C’est pourquoi ils conduisent parfois à des attitudes partiales sans que ce soit intentionnel.
Prenons l’une des étapes clés du processus de recrutement : l’entretien d’embauche. Pendant l’entrevue, le recruteur doit analyser les réponses aux questions, étudier le langage corporel, identifier des soft skills, etc. Manquant de temps, le cerveau ne peut pas prendre de recul sur la situation. Il utilise donc des raccourcis mentaux pour :
- mémoriser ce qui est vu, entendu et perçu ;
- traiter rapidement un maximum d’informations ;
- valider des hypothèses ou des suppositions.
Le problème, c’est que tout est conditionné par des paramètres externes comme la lecture préalable du CV, les stéréotypes, les croyances préexistantes, les expériences passées, les consignes hiérarchiques, une idéalisation des meilleurs candidats, etc.
Résultat : le recruteur s’appuie sur une vision subjective de la réalité pour accorder de l’importance à certains éléments. C’est ce que l’on appelle un biais de recrutement.
Quels sont les principaux biais de recrutement ?
Les biais de recrutement sont des filtres invisibles qui faussent la capacité à comparer les profils de manière équitable. La subtilité, c’est qu’il en existe de toutes sortes :
- des biais mnésiques qui déforment le souvenir des candidats ;
- des mécanismes cognitifs qui renforcent ce que l’on pense déjà ;
- des effets inconscients qui polluent le processus d’évaluation ;
- etc.
Pour vous aider à mieux repérer et discerner ces subterfuges mentaux, analysons les 10 que vous risquez de rencontrer le plus souvent en tant que recruteur.
1. L’effet de primauté
Vous vous forgez une opinion tranchée dès le début d’un entretien d’embauche ? C’est ce que l’on appelle l’effet de primauté. Ici, la première impression influence le jugement du recruteur et biaise totalement son analyse.
Exemple : un candidat arrive en retard à votre rendez-vous et vous le cataloguez tout de suite comme peu rigoureux. Même s’il excelle lors de l’entretien, vous restez réticent sur son cas et cherchez des excuses pour ne pas le choisir.
2. L’effet de récence
Vous êtes plus souvent convaincu par les derniers candidats reçus en entretien ? Ce biais de recrutement s’appelle l’effet de récence. Ici, votre jugement est influencé par la fraîcheur des informations. Lors de la délibération, vous défendez donc les personnes passées à la fin, car votre cerveau les a encore en mémoire.
Exemple : vous enchaînez les entretiens dans la même journée. Au fil des heures, vous vous souvenez de moins en moins des candidats déjà vus. Résultat : les profils frais dans votre esprit vous semblent meilleurs que les autres.
3. L’effet de simple exposition
Vous faites souvent confiance aux candidats que vous avez déjà croisés ? Ce biais de recrutement porte un nom : l’effet de simple exposition. Ici, vous privilégiez les gens qui vous semblent familiers. Inconsciemment, vous reléguez alors les compétences au second plan.
Exemple : vous avez discuté avec un postulant lors d’un salon professionnel. Cette rencontre fausse les cartes, car vous démarrez l’entretien d’embauche avec un sentiment positif envers votre interlocuteur.
4. Le biais de confirmation
Sans vous en rendre compte, vous orientez parfois l’entretien d’embauche pour valider votre ressenti initial ? C’est ce que l’on appelle un biais de confirmation. Au lieu de creuser avec objectivité, vous cherchez des informations ou des signaux qui vont dans le sens de votre première impression.
Exemple : vous trouvez un candidat prometteur dès la lecture de son CV. De manière inconsciente, votre cerveau contextualise la suite pour justifier plus tard un choix déjà fait. Résultat : les questions posées en entretien sont subjectives de manière à valoriser les points forts et minimiser les faiblesses de la personne.

5. Le biais de ressemblance (similarité, affinité ou projection)
Vous accordez plus d’attention à un candidat dont le parcours, la personnalité ou les centres d’intérêt vous rappellent les vôtres ? C’est ce que l’on qualifie de biais de ressemblance. Cet effet miroir peut se manifester de différentes façons :
- le biais de similarité (identification des mêmes études, expériences, etc.) ;
- le biais d’affinité (sentiment de connexion ou de sympathie) ;
- le biais de projection (supposition que l’autre pense ou réagit comme soi).
Exemple : vous recevez le CV d’une personne issue de la même école que vous. Ce point commun crée d’emblée une affinité, car vous vous reconnaissez dans son parcours. Résultat : vous l’idéalisez, supposez qu’elle fonctionne comme vous et tirez des conclusions positives sur sa personnalité, ses valeurs, ses aptitudes, etc.
6. L’effet de halo
Vous ne voyez pas les zones d’ombre d’une candidature à cause d’un détail impressionnant ? Ce biais de recrutement s’appelle l’effet de halo. Si l’élément n’a aucun lien avec le poste à pourvoir, on bascule vers le biais d’extraordinaireté. Dans tous les cas, une qualité unique ou une caractéristique positive vous fascine et embellit l’ensemble de votre jugement. Finalement, vous généralisez et ne prenez pas la peine d’aller plus loin dans votre évaluation.
Exemple : vous êtes une PME en quête d’un nouveau directeur commercial. L’un des candidats a déjà occupé cette fonction chez le leader de votre marché. Même s’il y a des signaux négatifs, cette expérience prend le dessus pour valider votre décision d’embauche.
À noter : on parle d’effet de corne pour désigner le phénomène cognitif inverse.
7. Le biais de stéréotype
Vous tirez des conclusions hâtives sur un candidat en vous appuyant sur son appartenance à un groupe ou une catégorie d’individus ? C’est le biais de stéréotype. Ici, vous êtes conditionné par des clichés. En conséquence, vous déduisez des qualités ou des défauts aux gens sans prendre la peine de vérifier leurs compétences réelles.
Exemple : vous recherchez un chef de projet pour une start-up innovante et recevez la candidature d’un profil senior. Vous l’écartez d’emblée, car vous êtes persuadé que cette personne sera résistante au changement à cause de son âge.
8. L’effet de contraste
Vous comparez les candidats entre eux plutôt qu’aux critères requis pour le poste à pourvoir ? Alors, vous risquez l’effet de contraste. Ce biais de recrutement fonctionne de la manière suivante : au lieu de fonder votre décision sur une évaluation objective des qualifications, vous vous laissez influencer par un ordre de passage pour surestimer ou sous-estimer certains postulants.
Exemple : vous recevez trois candidats dans la même journée. Les deux premiers sont décevants et ne répondent pas à vos attentes. Le troisième est correct, mais vous semble excellent par rapport aux précédents. Résultat : vous surévaluez un profil moyen juste parce qu’il est passé après deux personnes non compétentes.
9. Le biais de cadrage
Les candidats vous répondent souvent ce que vous espérez entendre ? Alors, ils sont peut-être influencés par votre manière de poser les questions : vos formulations, votre ton, etc. Dans le domaine du recrutement, on appelle cela un biais de cadrage. Ici, vous avez créé les conditions pour que votre interlocuteur aille dans votre sens. Et ce, même si ce n’est pas ce qu’il pense vraiment.
Exemple : vous demandez « Vous êtes quelqu’un de proactif, n’est-ce pas ? » au lieu de « Pouvez-vous me donner un exemple de situation où vous avez pris une initiative ? ». Comme votre formulation suggère la réponse attendue, le candidat vous dit « oui » sans apporter de preuve concrète. Résultat : vous validez votre a priori sans jamais vérifier s’il possède la compétence.
10. L’effet Dunning-Kruger
Vous êtes plus impressionné par les candidats qui affichent une grande assurance ? Un mécanisme cognitif trompeur provoque ce biais de recrutement : l’effet Dunning-Kruger. Ici, les personnes les moins qualifiées vont se montrer sûres d’elles, tandis que les vrais experts auront tendance à rester humbles. Ce jeu de dupe vous pousse alors à valoriser la confiance en soi plutôt que les faits concrets.
Exemple : vous hésitez entre deux individus pour un poste technique. Le premier multiplie les affirmations catégoriques sans jamais douter. Le second nuance ses réponses et admet ne pas tout maîtriser. Résultat : vous privilégiez le candidat le plus confiant… alors qu’il est le moins compétent des deux.

Comment éviter les biais dans le recrutement ?
Éliminer les biais de recrutement : mission impossible ? Oui et non. Les distorsions cognitives restent des phénomènes complexes et difficiles à maîtriser. Réussir à les supprimer en totalité relève donc de l’utopie. En revanche, de bonnes pratiques existent pour les contrer, les modérer et les éviter au maximum. Voici 3 actions à mettre en place lors de vos processus d’embauche.
1. Anonymiser la présélection des candidats
L’anonymisation des candidatures constitue un premier rempart contre les biais de recrutement, dont notamment le biais de stéréotype. Avant d’évaluer les CV pour faire une présélection, pensez donc à retirer les informations identitaires. Avec le prénom, le nom, la photo, l’âge, le genre et l’adresse qui disparaissent, vous pourrez concentrer votre jugement sur des éléments factuels :
- le parcours professionnel ;
- les compétences ;
- les formations ;
- les réalisations ;
- etc.
Si vous utilisez un ATS (outil de suivi des candidatures) qui intègre le masquage des données personnelles, activez cette fonctionnalité. Si ce n’est pas le cas, confiez cette mission à quelqu’un de fiable au sein du service RH. L’objectif est de transmettre des dossiers neutres aux recruteurs et aux managers pour éviter les décisions discriminatoires.
2. Standardiser les entretiens d’embauche et la grille d’évaluation
En harmonisant vos entretiens de recrutement et votre grille d’évaluation, vous pouvez limiter les biais cognitifs et garantir une meilleure équité dans votre processus décisionnel. En ce sens, commencez par créer une scorecard avec 4 à 5 critères clés notés sur une échelle de 1 à 5. Pondérez ces derniers selon leur importance réelle dans le quotidien de votre futur collaborateur.
Ici, l’objectif est de clarifier en amont du rendez-vous les compétences techniques et les soft skills indispensables. Sur cette base, vous pourrez préparer l’entrevue avec une structure standardisée pour tous les candidats :
- mêmes questions ;
- mêmes formulations ;
- même ordre ;
- même durée.
Pour tester la réflexion et la capacité d’adaptation, misez sur des questions situationnelles comme « Que feriez-vous si… ? ». Pour évaluer les expériences passées, privilégiez des questions comportementales. La méthode STAR (Situation, Tâche, Action, Résultat) se montrera notamment redoutable pour éviter les réponses biaisées. En voici un exemple de structure :
- Pouvez-vous me raconter une situation où… ?
- Que deviez-vous faire ? Quel était votre rôle ?
- Qu’avez-vous mis en place pour remplir la mission ?
- Avez-vous atteint votre objectif ?
Finalement, cette approche vous aidera à rester factuel et à écarter les impressions subjectives de votre analyse. Votre prise de décision reposera alors sur une comparaison impartiale de chaque candidat aux exigences requises pour le poste à pourvoir.
3. Croiser les points de vue individuels sur les postulants
Faire intervenir différentes personnes tout au long de vos processus d’embauche vous aidera à réduire les biais de recrutement. En effet, en croisant les points de vue, vous limiterez le risque de partialité et augmenterez vos chances de retenir les bons candidats. Alors, mobilisez vos équipes RH et impliquez les managers.
Dans cette optique, vous pouvez notamment mener des entretiens de sélection en binôme : un recruteur + un responsable opérationnel. Après chaque entrevue, les parties prenantes s’appuieront sur les mêmes critères d’évaluation pour faire leur propre analyse. Elles organiseront ensuite une délibération collective où chacun argumentera ses choix par des éléments factuels.
Ici, les perspectives complémentaires viendront enrichir la réflexion. Dépolluée des distorsions cognitives individuelles, la prise de décision sera alors la plus juste et la meilleure possible.
Biais de recrutement : formez vos équipes RH et vos managers
Grâce à cet article, vous pouvez désormais discerner et appréhender les différents biais de recrutement. Vous avez même 3 actions concrètes à mettre en place pour mieux les gérer :
- Présélectionner les candidats de manière anonyme ;
- Standardiser vos entretiens d’embauche et votre grille d’évaluation ;
- Croiser les avis individuels tout au long du processus.
Un dernier conseil : formez vos équipes RH et vos managers. Plus vos recruteurs seront sensibilisés sur l’impact des biais inconscients, plus ils pourront rester objectifs au moment d’évaluer les postulants. À ce sujet, Moortgat propose un module e-learning pour apprendre à préparer et conduire un entretien de recrutement en tant que manager.
Si vous êtes intéressé, contactez-nous. Pour rappel, 64 % des chefs d’équipe suivent leur intuition au moment de valider un profil. Notre formation en ligne serait donc un bon début pour les aider à prendre des décisions éclairées… sans être sous l’influence des biais de recrutement.
Parlons de vos objectifs de formation !
Vous êtes à la recherche de méthodes éprouvées pour améliorer vos compétences en management et conduire votre équipe vers le succès ? Vous êtes au bon endroit ! Notre formation en Leadership est conçue pour vous offrir les outils et techniques nécessaires pour devenir un leader inspirant.

